Là-haut

Ad Astra de James Gray

Ad Astra de James Gray

Nous sommes nombreux, chaque été, à contempler les étoiles et à nous émerveiller devant cette polyphonie scintillante. On s’interroge sur le sens de l’univers et son organisation, sur la place que nous avons dans cet ensemble indicible. Tout est vie dans le cosmos : les planètes, les comètes, les trous noirs, le soleil, etc. Nous nous pensons seuls, mais comment ne pas voir combien nous sommes entourés d’« êtres vivants » aux formes plurielles ? Deux ans après notre dossier « Filmer un territoire » (no 11), nous voulions consacrer ce numéro de rentrée à un autre territoire, plus vaste encore que la Terre : l’espace. Notamment parce que le mystère reste entier, que les space movies qui ont tenté de résoudre l’équation n’y sont pas parvenus complètement. On ne résout pas les mystères en un jour. L’univers a souvent été perçu comme surnaturel, le fameux « bigger than life ». Mais comme l’écrivait Agatha Christie, « le surnaturel d’aujourd’hui sera la science de demain ». Le cinéma a toujours accompagné les avancées spatiales, et on voit combien notre perception de l’espace est devenue de plus en plus claire au fur et à mesure du temps. L’espace, cet éternel continent inconnu qui nous semblait éloigné, est en passe de devenir quelque chose de familier. AD ASTRA, l’un des plus beaux films de James Gray, qui sort en cette rentrée cinéma florissante, nous plonge justement dans un futur proche où l’on n’aurait presque plus de difficultés à comprendre les mécanismes spatiaux, dans lequel les voyages pour aller sur Mars ou la Lune seraient aussi récurrents que de prendre l’avion. On oublie par ailleurs que le space movie est tout aussi bien métaphysique (sa nature profonde) que politique. Dans AD ASTRA, l’égotisme américain y est lourdement décrié, lui qui s’arroge le droit de terraformer le reste du système solaire. Tout ce qui est vivant peut-il être possédé ? Pourquoi se contenter de découvrir quand on peut coloniser ? Ce numéro s’évertue à comprendre humblement ce qui nous entoure et nous enveloppe, tout en essayant d’être le plus pédagogique possible. Le film de James Gray, tant mystique que cartésien, a scellé notre envie de tisser une histoire du cinéma dans l’espace, pour ainsi rappeler toute l’inventivité d’un genre foisonnant, aux ramifications nombreuses. On mémorisera toujours le visage rentré mais sublime de Brad Pitt, un mutique aux yeux doux – que nous n’avions pas vu aussi bouleversant depuis THE TREE OF LIFE (2011), un autre grand film cosmogonique –, cherchant son père disparu parmi l’immensité étoilée, comme autant de petites veilleuses dispersées sur plusieurs années-lumière. Tout là-haut et près du cœur. Les films dans l’espace nous aident à toucher du doigt l’essence de nos vies, ce sont de fabuleux accélérateurs de conscience.

Thomas AÏDAN