Sauve qui peut (la cinéphilie)

Sauve qui peut (la cinéphilie) de Jean-Luc Godard

Sauve qui peut (la cinéphilie) de Jean-Luc Godard

Isabelle Huppert a traversé 2016 comme une fusée. Dans L’AVENIR de Mia Hansen-Løve, puis dans le foudroyant ELLE de Paul Verhoeven, sans oublier son « second rôle » dans TOUT DE SUITE MAINTENANT de Pascal Bonitzer, avant de la retrouver, fin décembre, dans le second long métrage de Bavo Defurne, SOUVENIR. Son œuvre distille autant de motifs que de leitmotivs, qui viennent et reviennent de film en film, tels des hymnes rutilants, pour dire combien le travail d’acteur n’est pas de faire le pantin. Évoluant aux côtés de metteurs en scène « la posant au centre de leur histoire », Huppert ne se contente pas de nourrir des personnages, mais elle brouille volontairement les pistes. Il suffit de la (re)voir s’exciter comme une furie dans LA CÉRÉMONIE (1995) de Claude Chabrol, jongler d’un état psychique à l’autre avec une fluidité confondante dans MALINA (1991) de Werner Schroeter, pour souligner à quel point elle irradie de son intelligence cinématographique, avec une prosodie dont elle seule a le secret. C’est « une actrice qui pense » disait Godard. Isabelle Huppert nous a reçus longuement, à Lyon, où elle tourne actuellement le nouveau film de Serge Bozon, MADAME HYDE, après avoir passé son mois de septembre à jouer Phèdre(s) sur scène, à New York, et avoir tourné dans le prochain Michael Haneke, dans le nord de la France, à Douai, cet été. Son énergie, ébouriffante, montre bien que ce génie du jeu vit en ce moment un éclatant paroxysme dans sa carrière. La rencontrer provoque une sensation de vertige, tant ce qu’elle porte est étourdissant. Nous voulions traverser à ses côtés toutes ces décennies de cinéma, afin d’identifier la place unique qu’elle incarne dans le cinéma du présent. Elle est donc l’ambassadrice de ce numéro anniversaire, que nous avons voulu aussi festif que possible. Cela fait un an, déjà, que La Septième Obsession existe. Il n’est pas évident de perdurer, de tisser une ligne éditoriale, de tracer un chemin rempli de désirs et de passions, tout en conservant intacte cette effervescence, dans un monde propice à l’indifférence. Ce numéro se conclut sur une rêverie, autour de nos obsessions, pont lyrique avec notre première édition : « À quoi rêvent les cinéphiles ? » Cette cinéphilie qui, de la Géorgie au Quartier latin, n’a jamais été aussi plurielle. C’est de cela qu’il s’agit, d’une obsession, qui doit garder sa mobilité pour ne pas se cristalliser. Le rôle d’une revue en somme, c’est-à-dire régénérer ce désir, élargir les possibles, rendre mouvant et émouvant une quête cinéphile peuplée de fantasmagories, que nous tentons de raviver à chaque projection, comme on raviverait une flamme, de peur qu’elle ne s’éteigne.

Thomas AÏDAN