RIEN NI PERSONNE

Par Véronique Bergen

Paul Hamy dans Rien ni personne de Gallien Guibert.

Ce premier long-métrage de Gallien Guibert nous plonge dans un thriller palpitant qui gravite autour du personnage de Jean, un jeune homme orphelin de naissance, qui souffre de troubles de l’abandon. Histoire de traumatismes, de survie, de fuite en avant, de descente aux enfers, quête d’une possible issue, Rien ni personne donne à voir et entendre le chant intérieur d’un jeune père de famille qui, menant une vie de délinquant, de trafiquant de drogue depuis des années, décide d’abandonner sa femme et son enfant afin de les protéger. Le motif de la répétition de l’abandon, de l’abandonné qui abandonne de peur d’être rejeté se coule dans un polar nerveux, trépidant, à l’esthétique punko-fantastique. S’éloignant du naturalisme, pulsé par une superbe bande-son signée Camille Delafon, le film retrace le parcours d’un être en fuite, d’un cabossé abîmé par la vie qui prendra la décision de rompre avec le milieu. Rattrapé par la paternité qu’il tente de fuir, Jean (Paul Hamy) entend changer de mode de vie, s’éloigner du trafic de came afin d’offrir à son fils et à sa femme une autre existence

La violence de la délinquance dans les banlieues, la galerie d’êtres fracassés, à la dérive, le microcosme des dealers et des junkies offrent un miroir du désarroi intérieur de Jean. Comment, par quel travail sur soi surmonter un syndrome abandonnique ? « Tomber sept fois, se relever huit » : c’est la devise que Valérie (Suliane Brahim), une navigatrice, une fissurée de la vie qui s’est relevée, tend à Jean. Les flashbacks de l’enfance, la compulsion de répétition du point traumatique, l’univers très dur de la délinquance ne sont pas traités par Gallien Guibert sous une lumière psychologique ni sous un angle sociétal. C’est autour du pouls instable, de l’insécurité psychique, de l’intensité émotionnelle paroxystique d’un orphelin sauvage que ce thriller dramatique se tisse. La caméra suit le rythme et les phases mentales de Jean, ses déconstructions, ses crises et ses tentatives de reconstruction d’un espace. La séquence d’un règlement de comptes au milieu de feux de détresse précipite les spectateurs dans un vortex infernal. Porté par des acteurs percutants (Paul Hamy, Françoise Lebrun, Suliane Brahim…), ce premier long-métrage novateur, sombre, prend aux tripes. A découvrir d’urgence.

Paul Hamy dans Rien ni personne de Gallien Guibert.