Le Désespoir Surmonté

Par Arthur-Louis Cingualte

 

La série Euphoria est revenue le temps de deux épisodes spéciaux. Analyse du premier d’entre eux, “Trouble Don’t Last Always”.

 
Zendaya dans Euphoria © HBO

Zendaya dans Euphoria © HBO

L’introduction du premier épisode « hors saison » est bien cruelle. Non, Rue et Jules ne filent pas le parfait amour. Quelle idée… Filer le parfait amour, c’est déjà difficile dans EUPHORIA. Si on ajoute l’année 2020 à l’équation, ça devient franchement impossible.

En réalité, Rue est avec Ali, son chaperon, dans un dinner. Elle était partie aux toilettes sniffer quelque chose. L’histoire se répète. Rue est au fond et Ali se démène pour la convaincre de se relever. Il ne passera rien d’autre qu’un long échange entre les deux personnages (à peine interrompu par un coup de téléphone sur le parking). 

Tout a bien changé. Le ton est bien différent. Rien de glossyqui dégouline à l’image, aucune jeune femme sous MDMA qu’un tour en manège suffit à faire jouir, pas de dealer de 12 ans avec face tatoo, pas d’overdose ni de chantage à la pédophilie. Pas la moindre trace de violence l’horizon. L’euphorie est passée, mais ce n’est pourtant ce n’est pas pour ça que ce n’est pas terrible non plus. TROUBLE DON’T LAST ALWAYS, premier des deux épisodes « spéciaux » réalisés par Sam Levinson après l’interruption du tournage de la deuxième saison, est gouverné par le spleen. 

L’intérieur tamisé du dinner, ses grandes baies qui donnent sur le parking, les mots plein de sagesse de la serveuse invitée un court instant à participer aux débats… c’est tout un ensemble de motifs très picturaux qui est déployé ; le « réalisme américain » dans toute sa splendeur. Mais la chose la plus mémorable c’est la façon dont l’image (du 35 mm de Noël) chatoie. Comme les personnages elle a comme les larmes aux yeux. On peut, bien entendu, parvenir à trouver quelque réconfort à parler à cœur ouvert de moralité, de Dieu et de ses plus profondes douleurs à l’instar d’Ali et Rue mais il brille ici encore davantage ailleurs. Les fêtes de fin d’année ont beau être gâchée l’atmosphère d’enchantement qui les accompagne habituellement persiste. Cette poudre aux yeux en suspension un peu partout rappelle qu’il y a toujours quelque chose de possible, que la possibilité de la magie compte toujours quand les journées deviennent si courtes. 

« Qui, écrit Bernanos, n’a pas vu la route à l’aube entre deux rangées d’arbres, toute fraîche, toute vivante, ne sait pas ce que c’est que l’espérance. L’espérance est une détermination héroïque de l’âme, et sa plus haute forme est le désespoir surmonté. On croit qu’il est facile d’espérer. Mais n’espèrent que ceux qui ont eu le courage de désespérer des illusions et des mensonges où ils trouvaient une sécurité qu’ils prennent faussement pour de l’espérance. »

C’est exactement la démonstration que fait TROUBLE DON’T LAST ALWAYS. On pourrait figer le magnifique plan final sur Rue, ce Rembrandt chez Hopper, et l’intituler « Le Désespoir Surmonté ».