Nespresso Talents 2020 : entretien avec Déborah François, membre du jury
Deborah François dans L’Enfant (2005) des frères Dardenne.

Deborah François dans L’Enfant (2005) des frères Dardenne.

La jeunesse avant tout

Pour sa 5ème édition, dont les lauréats sont connus aujourd’hui, Nespresso Talents 2020 (743 réalisateurs de 47 pays qui ont participé), partenaire de La Semaine de la Critique à Cannes, continue de repousser les limites du cinéma traditionnel en demandant que toutes les vidéos soient réalisées dans un format vertical (9:16) et d’une durée de 2 à 3 minutes, donnant aux participants la possibilité d’explorer leur créativité sous un angle complètement nouveau. Nous avons posé quelques questions à l’une des membres du jury de cette année, la comédienne française Déborah François.

Pourquoi avoir décidé de participer aux Nespresso Talents 2020 ?

Je pense qu’il est essentiel, d’autant plus en cette période si particulière pour nous tous, de soutenir la création, et les initiatives qui la soutiennent sous toutes ses formes. Pour moi, il était important de faire ma part dans le monde de la culture mobilisé, par exemple en participant à ce type d’événements afin de continuer à faire vivre le cinéma. Donner la chance à de nouveaux talents de se révéler, ou de susciter de nouvelles vocations, aider également ceux qui sont déjà sur cette voie et désire prendre leur place dans le monde du cinéma ou de l’audiovisuel. Le sujet donné cette année des « cercles vertueux » me tenait également beaucoup à cœur.

Comment s’est passé la rencontre avec les films, comment les juger, les accueillir ?

Ce n’était pas complètement nouveau pour moi car j’ai déjà eu l’occasion de prendre part à des jurys à plusieurs reprises lors de festivals. Malgré tout, cela reste un exercice particulier qui n’est pas évident. Cela tient beaucoup à la sensibilité, au ressenti personnel de chacun des membres du jury, il faut donc se mettre d’accord mais cela s’est passé assez naturellement entre nous, ce qui est toujours une bonne nouvelle. Nous avions à notre disposition certains critères sur lesquels nous pouvions nous appuyer afin de noter les projets et nous faire une opinion globale. Cela tient au traitement du sujet, l’esthétique bien sûr mais aussi l’originalité apportée ainsi que l’utilisation du format vertical qui est une part importante dans les Nespresso Talents. 

Quelles grandes tendances éditoriales ressortent de tous les projets visionnés ? Quelle thématique générale ?

Je dois avouer qu’avec une thématique telle que les cercles vertueux je m'attendais à voir encore davantage de projets traitant d’écologie de façon très directe. Il y en avait bien sûr et j’en ai été ravie. Mais j’ai été très intéressée de constater qu’il s’agissait tout autant pour les participants d’une occasion de traiter de sujets sociaux et de société. La solidarité, l’importance des liens sociaux, familiaux, amicaux, amoureux ont été l’objet de beaucoup de projets. L’énergie humaine qui circule et crée effectivement des cercles vertueux, des effets papillon à échelle locale... la diversité des idées présentées était riche. 

Les Nespresso Talents mettent avant la jeunesse : quelles problématiques esthétiques et cinématographiques semblent revenir régulièrement ?

Il s’agit en effet d’un concours qui souhaite faire participer avant tout la jeunesse même s’il est bien sûr ouvert à tous, et c’est d’ailleurs ce qui a permis la diversité de la sélection que nous avons pu visionner. Je pense que le format vertical est particulièrement difficile à aborder car il s’agit d’un format qui n’a pas encore été traité par la fiction, ou très peu. Il n’y a donc pas de références en la matière. Tout est permis mais tout est à inventer, et quand on ajoute à cela la durée limitée à deux ou trois minutes, c’est un vrai défi. On sent qu’il y a pour certains de l’hésitation, de l’expérimentation, cela cherche à transformer un format typique « réseaux sociaux » en un support adapté à la fiction et cela n’est pas simple. D’autres ne parviennent pas encore complètement à jouer de cette nouvelle liberté et/ou contrainte, car on retrouve des plans très inspirés du cinéma. Dans tous les cas, on sent que les participants aiment l’image et qu’ils y apportent leur esprit. 

Avez-vous vu des trouvailles techniques, des prises de risques esthétiques ?

Il y a quelques projets qui se centrent sur l’esthétique et le procédé de réalisation, et nous avons aussi pu voir du stop motion, de l’animation par exemple. Pour ma part, je suis particulièrement sensible à l’esthétique, et donc à ce type de geste, cela me parle d’une idée, d’une envie d’image, d’une recherche d’originalité et de trouver un style. Ce type d’événements comme les Nespresso Talents sert justement à révéler ce genre d’envies, de personnalités hors cadres.

Propos recueillis par la rédaction.

A noter : trois réalisateurs récompensés dans la sélection française : Florent Devier, Victor Hanotel & Déborah et Florent Benigni.