Deuil

Giovanni Segantini, La douleur du deuil

Giovanni Segantini, La douleur du deuil

À la suite des attentats du 13 novembre, lorsque des fanatiques islamistes sont venus tirer sur la foule en plein Paris, la question du deuil collectif a brutalement traversé nos vies : comment vivre après un tel drame ? À la sidération muette que provoque l’intrusion du tragique, de la mort et de la guerre dans le réel, le cinéma répond par l’invention de dispositifs de réflexion. Un renvoi d’images qui tente envers et contre tout de montrer, de représenter et de donner à penser les événements et l’histoire, pour permettre au spectateur de les observer, venir au secours de l’hébétude et, tout simplement, relancer le mouvement.

Le deuil et la mélancolie parcourent le numéro 2 de La Septième Obsession : des propos denses et mélancoliques d’Alexandre Sokourov sur le devenir de la civilisation et le cinéma, aux quelques lignes d’hommage rendues à la mémoire de Chantal Akerman, en passant par le bouleversant MIA MADRE de Nanni Moretti, où le cinéaste se confronte à la douloureuse question du deuil de sa mère. Tous traitent cinématographiquement du deuil, qu’il soit historique, collectif ou intime. L’art contre la mort, car il faut se relever, combattre et dépasser nos hantises les plus profondes, sans pour autant oublier. Le cinéma, comme formidable mémoire des êtres aimés (MIA MADRE), des événements que l’histoire officielle a laissés dans l’ombre (le combat d’un « héros anonyme » qui défend la liberté envers et contre tout dans LE PONT DES ESPIONS de Spielberg), ou d’un attentat terroriste perçu à travers la réaction intime d’une jeune femme au cœur de l’enfer (dans TAJ MAHAL de Nicolas Saada).

À l’image du dernier film de Steven Spielberg, qui joue constamment sur le double (Abel, l’espion soviétique, observe tour à tour son image dans un miroir et via l’autoportrait qu’il a peint), la dualité est constamment à l’œuvre dans le deuil, entre la douleur lancinante et les forces de vie, l’inertie ou le mouvement. Nous plantions en couverture du premier numéro : « À quoi rêvent les cinéphiles ? ». Peut-être, aussi, au dépassement du deuil par la voie de la grâce, de la beauté, soit l’art et le cinéma comme possibles antidotes à tous les méfaits existentiels.

Thomas AÏDAN